Personne ne s’attendait à ce qu’un fil synthétique bouleverse la mode française en 1910. Pourtant, la viscose fait irruption, redistribuant les cartes du raffinement. Les créateurs s’emparent des codes du luxe, les revisitent, les démocratisent. Le satin brillant ne se réserve plus à l’élite ; il se glisse dans les rues, tandis que certains ateliers s’accrochent encore à la soie naturelle, ultime bastion d’un prestige menacé.
Les influences artistiques, autrefois confinées aux salons de la haute couture, s’invitent désormais jusque dans la vie de tous les jours. Objets, papiers peints, mobilier : tout devient support d’expression. Le décor bourgeois oscille entre attachement aux ornements d’un autre temps et tentation de l’audace géométrique. Cette période, tiraillée entre conservatisme et modernité, ouvre la voie à des expérimentations qui laisseront leur empreinte bien au-delà de la décennie.
Pourquoi l’Art déco a marqué les années 1910 et transformé la modernité
Impossible de comprendre le style des années 1910 sans considérer la percée fulgurante de l’art déco. À Paris, centre nerveux du début du XXe siècle, ce mouvement artistique tranche net avec les arabesques de l’art nouveau : place à la géométrie, à la stylisation, à une rigueur nouvelle. La mode n’échappe pas à cette révolution. Paul Poiret, visionnaire, fait tomber le corset, introduit la ligne droite et offre aux femmes une liberté de mouvement inédite. L’élégance s’affirme désormais dans la structure, la fonctionnalité, loin des opulences du passé.
Dans les arts décoratifs, le goût du travail bien fait s’affiche sans détour. Mobilier, verrerie, papiers peints : chaque création revendique son identité. Les façades urbaines s’habillent de motifs géométriques, les intérieurs bourgeois adoptent une esthétique moderne. L’exposition internationale des arts décoratifs propulse cette envie d’innovation et de matériaux rares : la symétrie, l’audace et la préciosité s’installent durablement dans les esprits.
Poiret n’est pas seul à écrire cette page. Coco Chanel, elle aussi, imprime sa marque : la petite robe noire surgit, clin d’œil à la sobriété et à la modernité. La silhouette féminine évolue, portée par une société qui change de rythme. L’art déco infuse tous les champs : design, architecture, accessoires, textiles. Un souffle neuf traverse la décennie, dont l’influence se prolongera jusqu’à la seconde guerre mondiale.
Voici comment ce tournant s’est incarné concrètement :
- L’art déco prend le relais de l’art nouveau : les motifs géométriques remplacent les arabesques.
- La mode libère le corps : la silhouette gagne en aisance, le corset disparaît.
- L’artisanat et les matériaux précieux deviennent les signes d’une distinction assumée.
Quelles sont les caractéristiques emblématiques du style Art déco ?
Avec le style art déco, la rigueur graphique prend le dessus : formes géométriques nettes, angles droits, symétries irréprochables. Les volutes végétales s’effacent ; la ligne droite s’impose, sans compromis. Les motifs graphiques investissent les murs, le mobilier, les objets du quotidien. Ici, pas d’ornement gratuit : chaque détail souligne la structure de l’ensemble.
L’exigence des matériaux précieux imprime sa marque : bois rares, laques profondes, dorures, verrerie ciselée, marbre raffiné. Le mobilier, tout en restant sobre, multiplie les détails sophistiqués : plateaux de verre, incrustations de nacre, finitions métalliques. Les luminaires jouent sur les volumes et la translucidité, orchestrant la lumière comme un atout scénique.
Pour mieux cerner les codes récurrents de l’art déco, voici les traits qui le définissent :
- Symétrie et équilibre : chaque composition affiche une maîtrise, sans surcharge.
- Motifs géométriques : chevrons, ziggourats, rayons stylisés, tout rythme l’espace.
- Matériaux d’exception : l’ébène de Macassar, le galuchat, le marbre signent le goût de l’exclusivité.
Résultat : la décoration Art déco s’affirme comme le manifeste d’une modernité confiante, qui conjugue savoir-faire artisanal et innovations techniques.
Inspiration et conseils pour intégrer l’Art déco dans vos projets d’aménagement
Le style Art déco s’invite aujourd’hui dans les projets d’aménagement, porté par l’envie d’un décor structuré, généreux en matières. Papiers peints géométriques, marqueteries subtiles, dorures, verrerie : chaque détail compte. Des studios comme Studio Beauregard ou Haos revisitent les codes : les luminaires aux lignes épurées de Haos dialoguent avec les motifs affirmés des papiers peints signés PaperMint.
Pour insuffler cet esprit dans un intérieur, il vaut mieux choisir des meubles structurés et des matériaux de caractère. Le laiton, le marbre, le verre taillé deviennent des alliés de choix. La scénographie joue la carte de la symétrie et l’accumulation mesurée de motifs graphiques, pour obtenir une harmonie visuelle. Voici quelques pistes concrètes à explorer :
- Associer un canapé aux lignes droites avec un lampadaire cylindrique ou des tables gigognes aux finitions dorées.
- Habiller un seul mur d’un papier peint Art déco pour créer un point focal sans saturer l’espace.
- Choisir des accessoires en verre coloré ou en laiton pour ponctuer la décoration de touches sophistiquées.
Les collaborations de Maison Père avec des enseignes accessibles, ou les ambiances raffinées signées Sarah Lavoine, démontrent la force évocatrice de cette tendance : une décoration pensée, mais pleinement vivante, où chaque pièce trouve sa place sans jamais figer l’ensemble. Elizabeth Leriche insiste : il s’agit de faire dialoguer patrimoine et création contemporaine, de puiser dans l’histoire pour nourrir des formes actuelles, sans jamais pasticher. Le style des années 1910, plus qu’un simple souvenir, s’impose comme une source inépuisable pour des intérieurs qui ne craignent ni la personnalité, ni l’audace.